PATCHWORK

La newsletter déco qui spotte les belles choses et bonnes idées. Deux fois par mois, découvertes, marques, adresses, mindsets qui sortent des sentiers battus.

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Par Philippine Sander
3 oct. · 9 mn à lire
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10. Que l'automne s'installe

Patchwork, c’est une newsletter déco
qui spotte les belles choses et les bonnes idées.
Deux fois par mois, je mets de côté découvertes,
adresses pépites, mindsets créatifs qui sortent des sentiers battus.
— Philippine Sander 



5 INSPIRATIONS POUR ACCUEILLIR L’AUTOMNE
3 octobre 2024

10 minutes de lecture


Les lampes iodées de Dérive

Je savoure cette étape et me suis offert un établi, un vrai. Un truc de grande personne. Heureux comme un enfant…” écrit Pierre-Yves sur Instagram pour illustrer une photo de son nouvel atelier, l’endroit où il fabrique ses luminaires iodés. Ces derniers sont faits avec des flotteurs trouvés à Biarritz, là où il habite. Faites à la main, les suspensions, baladeuses et lampes de chevet de cet artisan-poète (ses écrits, personnels, sur Instagram changent de ce qu’on a l’habitude de lire) sont uniques. Pas de panique si le site indique rupture de stock, une nouvelle marée de lampes refait surface toutes les 2 semaines. 

Dérive, nom féminin : Fait de s’écarter de la voie, d’aller à l’aventure ; Tout déplacement incontrôlé d'un objet flottant ou immergé dû à l'action du vent et des courants. 

Je ne suis pas Basque. Pas d’attaches familiales, rien. (…)

J’ai eu la chance de grandir dans le sud ouest et d’évoluer à Paris (attention la syncope), où on a connu les études, les premiers boulots, les bureaux, le métro, la vie à mille à l’heure. On ne crache pas dessus, c’était de très belles années. On ne retourne pas sa veste comme dans la chanson de Dutronc. (Quand je dis « on » c’est pas « moi et mon ego » c’est « ma compagne et moi » ou « ma famille / mon équipe »).

Un « petit » garçon est arrivé et ça a été un raz de marée intérieur. De ceux qui vous rappelle votre enfance proche de la nature et réaliser qu’il faut mettre les voiles. Deux mois après on mettait le cap sur Biarritz, avec ce rêve en tête que nous avions depuis 10 ans.

Être « là », ça ne se résume pas à poser sa serviette sur la plage et à boire un coup en regardant le coucher de soleil. C’est essayer d’avoir un rôle localement. Travailler avec des entreprises locales. Donner du temps à une association. Partager son savoir-faire, c’est apporter quelque chose de concret localement. C’est ça « l’intégration » à mon sens. Ramasser les déchets sur la plage c’est depuis quelques années ma façon de montrer mon attachement à cette ville. Un attachement infini.

— Pierre-Yves

Parmi les initiatives citées par Pierre-Yves, il y a @pickitup40 et @surfridercotebasque (les deux à Biarritz), l’association @waterfamily (qui fait de l’éducation à l’écologie) et @projectrescueocean.

Dérive, lampes upcyclées made in Biarritz, 120€

Une maison d’hôtes pas comme les autres

Les jardins de la Matz, à Plouër-sur-Rance

J’ai découvert la beauté des bords de Rance en déménageant à Saint-Malo.

La Rance, c’est un fleuve qui prend sa source en Côte d’Armor et qui se jette dans la Manche entre Dinard et Saint-Malo. Tout au long du fleuve, il y a des beaux sentiers côtiers et des villages plein de charme, en pierre, comme Saint-Suliac (élu parmi “Les plus beaux villages de France”) ou Plouër-sur-Rance, là où je vous emmène aujourd’hui. Les paysages sont particuliers car on est à la campagne tout en étant pas loin de la mer, de l’eau, des bateaux. C’est vert, c’est bleu, c’est jaune, c’est scintillant. C’est paix-sible. 

Il y a dix ans, Hélène et Jérôme de Ségogne, qui connaissent bien le coin, sont tombés sous le charme d’une ancienne ferme au bout d‘un chemin. Inspirés par le principe des micro-fermes développés au Canada et aux USA, le couple a commencé par créer une ferme biologique de maraîchage sur leur terrain d’un hectare, puis ils ont ouvert une chambre d’hôtes et ensuite, une table d’hôtes de 24 couverts. Ça s’appelle les Jardins de la Matz. Rencontre.

Racontez-moi les débuts de votre ferme maraîchère.

Jérôme : Notre projet est né de l’envie de participer au territoire. On a donc commencé par la ferme accompagnés par un monsieur qui est parti, depuis, à la retraite. Aujourd’hui, deux jeunes, Simon et Charles, sont à la tête de la ferme, ils ont chacun envie de créer leur propre activité plus tard : ils sont là pour apprendre, acquérir de nouvelles compétences, voir comment ça se passe dans la réalité- le tout en étant un peu à l’abri avec un salaire. L’été, on prend une personne de plus en renfort.

Aujourd’hui, on vend 10 tonnes de légumes par an ! La distribution, comme la production, est 100% locale : le légume est vendu dans un périmètre proche, à des restaurateurs ou à des magasins bio de proximité. 20 km max. 

Caroline Causse cheffe de la ferme auberge, Marie de Ségogne, responsable de la maison d’hôtes, Hélène et Jérôme de Ségogne, et Hervé, maraicher. Photo : Anne-Claire HéraudCaroline Causse cheffe de la ferme auberge, Marie de Ségogne, responsable de la maison d’hôtes, Hélène et Jérôme de Ségogne, et Hervé, maraicher. Photo : Anne-Claire Héraud

Hélène : Plusieurs années après, nous avons restauré la maison pour en faire des chambres d'hôtes. C’est notre fille, Marie, qui s’en occupe aujourd’hui : nous avons 5 chambres. Elles sont spacieuses, lumineuses, confortables, avec une décoration épurée mêlant les objets d'hier et d'aujourd'hui. Nous fermons en décembre et janvier mais restons ouverts pour les privatisations. 

Chambre des Jardins de la Matz - couleur au mur : Card Room Green, Farrow & BallChambre des Jardins de la Matz - couleur au mur : Card Room Green, Farrow & Ball

Hélène : En parallèle à la maison d’hôtes, Marie a développé toute une activité de tisanes, elle cultive des plantes aromatiques et médicinales, propose deux mélanges super bons qu’elle vend auprès de nos hôtes et de nos clients. Régulièrement, des woofeurs viennent l’aider pour faire la cueillette, le séchage et l’ensachage.

Jérôme : En effet, toujours dans une optique d’expérimentation et de transmission, on accueille régulièrement des woofers. On leur offre le gite et le couvert et en contre partie ils mettent la main à la pâte (4h/jour). Avec eux par exemple, on a construit deux petites chambres dans la grange. On rencontre des personnes extraordinaires, aux parcours assez pointus, qui viennent de partout. Cet été il y avait une oenologue américaine d’origine japonaise par exemple. On apprend, eux aussi, c’est un partage d’expériences très enrichissant.

Qu’aimez-vous particulièrement ici ?

Hélène : Le calme. C’est ressourçant. La route s’arrête ici, c’est très symbolique. Tu poses tes valises, littéralement. Tu peux rester plusieurs jours sans prendre la voiture, il y a de nombreuses balades à faire le long de la Rance, et notre table d’hôtes…

Justement, le restaurant !

Jérôme : Six ans après les chambres d’hôtes, on a restauré cette ancienne porcherie pour en faire un restaurant. C’est plus une table d'hôtes, nous avons le statut de “ferme auberge”, ce qui signifie que plus de 50% de ce qui est donné dans l’assiette vient de l’activité propre de la ferme. 

Caroline Causse, la cheffe, est arrivée il y a trois ans. Elle avait fait 10 ans de communication politique à Paris et est venue faire un mois de maraîchage avec la volonté de changer de vie, de tout faire différemment. Elle n’a pas fait d’école de cuisine, chez elle, c’est instinctif. Sa cuisine est très fine, végétale, c’est assez pointu, elle commence à avoir une belle renommée.

Photos : Anne-Claire HéraudPhotos : Anne-Claire Héraud

Hélène : Nous faisons une tablée par saison, c'est-à-dire que l’on dresse une immense table avec une jolie déco, dehors quand il fait bon, ou à l'intérieur près de la cheminée quand il fait plus frais. On limite à 50 personnes, on s’assoit à la queue leu-leu, les personnes qui ont pris leur place ne se connaissent pas entre eux, mais ils se mixent. Il y a des mélanges improbables, des inconnus que l’on ne peut plus séparer à la fin du dîner ! 

Maison d’hôtes fermée en décembre / janvier mais ouverte pour privatisation (Noël, vacances d’hiver) et peut accueillir 14 personnes.

Table d’hôtes ouverte du 1er mars au 15 novembre, 4 soirs par semaine mercredi, jeudi, vendredi, samedi
Le mercredi, jeudi & samedi soirs : menu 39€ pp (hors boissons)

Le vendredi soir : formule à partager 35€ pp (5 assiettes, hors boissons)

L'édition automnale des Tablées de la Matz se tiendra le samedi 26 octobre à 19h30.
Menu unique 50€ comprenant un apéritif, 3 entrées, 1 plat à partager, fromage/salade, 1 dessert.
Le déjeuner pourra s’accompagner de boissons élaborées par nos soins et/ou de vins sélectionnés avec soin pour s’accorder avec les plats. Accord mets/vins 25€ ; mets/boissons sans alcool 15€.

Couleur du mur : Indian Yellow, Farrow & BallCouleur du mur : Indian Yellow, Farrow & Ball

Pour aller plus loin : 

- Les Ségogne ont été particulièrement inspirés par les écrits de l’Américain Eliot Coleman et du Canadien Jean-Martin Fortier, tous deux convaincus que l’on peut produire mieux en préservant la nature. Ils ont créé des micro fermes à basse main d'œuvre humaine afin de reconstituer des tissus économiques avec des emplois locaux. Ce qui a particulièrement touché les Ségogne chez Eliot Coleman et Jean-Martin Fortier ? À quel point ils sont généreux dans leur partage d'informations. Ils n’ont qu’une envie : celle que ce type d’agriculture se développe au maximum.

- Le documentaire Anaïs s’en va-t-en guerre réalisé par Marion Gervais sur une jeune-femme de 24 ans hyper déterminée, qui a de la tchatche, du cran et une certaine rage en elle : elle se bat dans un champ pour vivre de ses tisanes (aujourd’hui elle produit des herbes aromatiques pour le chef étoilé Olivier Roellinger). Le film, modeste, fait avec très peu de moyens, a eu un immense succès à sa sortie. Malheureusement, impossible de retrouver le documentaire sur internet, mais le deuxième volet, Anaïs s’en va aimer la suit dix ans plus tard dans un nouveau combat : celui de vivre avec son mari sénégalais en France.

Ne pas faire une maison cocon à tout prix, avec Matali Crasset

Aglaé Bory pour Le Monde

Matali* Crasset a essayé plein de coupes différentes, et un jour, elle a trouvé celle-ci : ça lui correspondait. C’est comme si elle respirait. Dans plusieurs interviews, elle explique avec humour que c’est une coupe qui lui permet de réfléchir. Elle offre “une bonne ventilation de la tête”, ce qui est très important dans son travail, puisque le métier de designer tel qu’elle l’exerce, c’est 80% de pensée. “Dans un premier temps, je ne vais pas dessiner car le dessin pour moi c’est déjà choisir : quand on pose le crayon on a du mal à revenir en arrière, or notre métier n’est fait que de questionnements successifs donc il faut se remettre en question sans arrêt”. Elle dit qu’elle pense tout le temps. Rassurez-vous, elle aime ça !

Ces derniers jours, je me suis abreuvée de la pensée de Matali Crasset justement. Elle est différente, explique Philippe Starck dans un documentaire qui lui est consacré.

Quand il l'a rencontrée, il raconte qu’elle dégageait une idée, une esthétique, une allure, une façon de parler qu’on aurait pu croire comme fabriquées pour se faire un personnage. Mais au bout de quelques secondes, on comprenait que pas du tout : “car un des paramètres de Matali, c’est la vérité, l'authenticité, les racines”. 

Au fur et à mesure des documentaires que j’ai regardés sur elle, des podcasts que j’ai écoutés, des interviews que j’ai lues… elle a tordu le cou à plein de préjugés que j’avais. Voici celui que j’ai trouvé particulièrement fort : 

La maison ne doit pas être un cocon : à force de s’auto protéger, on se replie sur soi.

Avec les jours plus frais qui arrivent, on pourrait croire que c’est le moment idéal pour se créer une maison cosy, pour se “coussiner” (mot entendu chez Monsieur Lajoie, coussiner = s’emmitoufler chez soi. J’aime. Le mot, l’idée.)

Se coussiner, très peu pour Matali Crasset. Au contraire, elle se bat contre cette idée de maison confort, vous savez ces immenses canapés tout dodus et très confortables desquels on a du mal à sortir.

Est-ce que c’est comme ça que l’on veut vivre, mollassons au fond de son canap’ ? Bof.

Certes, explique Matali, le canapé a été pensé pour se poser, se reposer, souffler, mais on doit aussi pouvoir s'en échapper. Tout son travail de designer consiste à réfléchir à des environnements ou à des objets qui ne nous enferment pas mais qui nous invitent, gentiment, à nous dire “bouge toi, sois actif”. Tout ce qu’elle entreprend incite à être curieux de l’extérieur (par le biais d’objets, de scénographies mais aussi de baies vitrées ou de verrières par exemple). Pour elle, c’est ça le vrai confort, c’est un confort complice de quelqu’un qui va se prendre en main. 

Vase et canapé conçus pour Atmosphera, photo Mathias FilippiniVase et canapé conçus pour Atmosphera, photo Mathias Filippini

Donc, d’après elle, l’habitat cocon nous rend passif, fait qu’on tourne en rond avec nos certitudes alors qu'aujourd'hui on devrait faire tout l’inverse : on doit s’ouvrir à l’autre, se remettre en question, s’engager.

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