Patchwork, c’est la newsletter déco qui spotte les belles choses et
les bonnes idées. Deux fois par mois, je mets de côté découvertes,
adresses pépites, mindsets créatifs qui sortent des sentiers battus.
— Philippine Sander
LES INSPIRATIONS DE LA SEMAINE
25 juillet 2024
Los Vasos de Agua Clara made in Barcelone
Deux amies d’enfance ont fusionné leurs talents pour créer des verres et des carafes uniques. Inspirées par la Méditerranée et la nature, Clara Riera et Maite López-Fonta peignent à la main feuilles, formes géométriques colorées et fleurs, sur du verre fin et délicat.
Vous pouvez personnaliser les carafes et les verres, pour matcher votre vaisselle ou les couleurs de chez vous. Cela peut être aussi une bonne idée de cadeau de mariage. Tout est fait sur commande à Barcelone, donc il faut compter un délai de 2-3 semaines.
Carafes entre 120€ et 230€.
Le catalogue et leur contact pour commander.
Panorama Mundi, l’artisanat à l’état pur
Aujourd’hui je vous emmène dans le Marais, à Paris, dans une boutique unique*. Ici, chaque pièce a été sélectionnée avec soin chez des artisans français, parfois européens ou d’Amérique Latine. Mais boutique n’est pas le terme, c’est plutôt une galerie, comme le précise Maria Lee, à l’origine du projet. Chaque objet est exposé et valorisé grâce à une scénographie étudiée mais pas dénuée de sensibilité pour autant. Bien au contraire ! Tout est harmonieux et c’est comme si les objets nous parlaient.
Bienvenue chez Panorama Mundi.
Rencontre avec Maria Lee.
La conversation a eu lieu en anglais, puis traduite en français.
Comment as-tu commencé à t'intéresser au savoir-faire des artisans ?
Maria Lee : J’ai commencé avec les artisans argentins, en créant le lieu “Panorama” à Buenos Aires, il y a 12 ans. Je pense que c’était une manière pour moi de mieux cerner le pays dans lequel j’habitais. Je suis moitié coréenne, moitié européenne, née en Argentine : alors, je me suis beaucoup demandée quelle était mon identité. J’avais envie, presque besoin, de savoir ce qu’il y avait autour de ma ville natale. J’avais la conviction qu’en connaissant mieux mon environnement, je me connaîtrais mieux moi. C’est parti de là.
À l’époque, en Argentine, ce n’était pas si commun de parler de local ; les pays d’Amérique latine étaient plutôt influencés par les modes et les tendances mondiales, les grandes marques d’Europe et des USA.
Je m’étais aussi rendue compte au fur et à mesure de mes expériences personnelles et professionnelles, que beaucoup de boutiques mélangeaient des très belles pièces avec des pièces de moins bonne qualité, fabriquées en grande série en Chine. Et que les pièces de grande qualité valorisaient les pièces de moins bonne qualité. Je ne trouvais pas ça cohérent. Pourquoi ne pas créer un espace qu’avec des objets de qualité ?
Pourquoi as-tu choisi Paris pour créer un deuxième lieu ?
Maria Lee : Clara Piaton, mon associée, qui est française et qui a grandi dans le Marais, avait cette même curiosité, une curiosité pure qui nous fait voir plus loin que le simple objet. Elle voulait construire quelque chose de similaire à Panorama en France. Elle connaissait beaucoup d'entreprises et d’artisans qui travaillaient et n'avaient pas d’endroit où vendre leurs créations. Il y a des lieux, mais ce sont soit des circuits très niches (comme les marchés de potiers) pour les connaisseurs, soit des boutiques spécialisées dans un savoir-faire, comme la céramique. Et souvent, l’intention de ces dernières est davantage de vendre que d’exposer des artisans. Il y a souvent cette ambivalence commerciale / artisanale. Ici, nous avons une approche plus émotionnelle que business. Je pense que le projet marche car c’est plus grand que nous.
Par ailleurs, être ici dans le Marais permet aussi d’éduquer les touristes, qui sont ravis de rapporter un bout de terre française aux USA. On n’auait pas pu trouver meilleur endroit que Paris pour parler de savoir-faire.
Ma sœur Felicitas Lee, architecte, fait aussi partie du projet. C’est elle, avec Clara, qui fait le lien avec les artisans français. Elle habite en France depuis 10 ans, elle a étudié l’architecture à la Villette, a toujours été reliée au savoir-faire français. Elle a déménagé il y a quelques années en Normandie, dans le Cotentin.
C’est pour ça que vous avez plusieurs artisans qui viennent de cette région j’imagine ?
Maria Lee : Oui, mais attention, c’est un travail de longue haleine car les circuits sont très fermés. Pour Panorama à Buenos Aires, c’est seulement lors de mon troisième voyage au Pérou que j’ai compris.
Tu ne trouves pas les artisans comme ça. Tu as besoin de les connaître, de parler leur langue et surtout, d’avoir une approche humaine. Ce ne sont pas des personnes qui sont motivées par l’argent. Il faut faire un pas vers eux, ça s’apprend, ça prend du temps. Derrière leur savoir-faire, il y a toute une manière de vivre et de penser et c’est ça qui m’intéresse.
Pour revenir au Cotentin, nous n’avons pas référencé le céramiste Patrick Pernel du jour au lendemain. Ma sœur a pris des cours de céramique avec lui, ils ont appris à se connaître, ils ont noué une très belle relation. Je l’ai rencontré autour d’un petit-déjeuner et avec nous, il y avait le boucher, le comptable du village, le fils du plus important charpentier de la région et ma sœur. Pour moi, ces lieux d’échanges sont des endroits très puissants. Ce sont ces lieux précisément qui me fascinent et que je cible avec Panorama Mundi.
Parce qu’à chaque fois que j’entre dans ces lieux, j’apprends. C’est mon école. Si on prend ce plaid par exemple, quand j’ai visité l’atelier au Paraguay, j’ai récolté le coton avec l’artisane. Mais je n’ai pas fait que ça : je suis entrée dans son monde. Elle m’a montré la recette d’un jus incroyable, j’ai vu en live la relation d’une matriarche avec son mari, elle s’occupait de tout, de la maison, de la nourriture, du coton. Elle est bien plus qu’une artisane. Passer une aprem avec elle, c’est comme passer une aprem avec une philosophe, un prêtre, un sage : quelqu’un qui t’ouvre l’esprit, qui te fait voir les choses différemment. Parfois je compare mon travail à un travail d'anthropologue. C’est pour ça que je dis que quand on connaît les artisans, on connaît le pays, encore mieux que les Français ! Car on découvre toute une manière de vivre, une attitude, des valeurs.
C’est en faisant ces rencontres que j’ai commencé à trouver un sens à ma vie. Le fait d’être en mouvement m’est vital. Moralité : si je suis en éveil, je découvre tellement de choses !
Maria Lee
Comment expliques-tu tout cela aux clients ?
Maria Lee : Justement, au début j’essayais de toujours tout expliquer aux clients. Mais avec le temps, je comprends comment il faut aborder les personnes. Aujourd’hui, j'explique seulement si je les sens intéressés, je vois d’ailleurs très vite si on partage la même sensibilité ou non. Ce qui m’importe ce n’est pas qu’ils achètent, c’est d’échanger, ça me permet de mieux comprendre ma clientèle française. Et au fur et à mesure, on construit notre clientèle qui partage nos valeurs.
Y-a-t-il la même sélection à Buenos Aires qu’ici ?
Maria Lee : Non, tout simplement parce que le coût du transport est très cher et que la main-d'œuvre est plus chère en France qu’en Amérique Latine. Mais c’est aussi parce que dans chaque galerie, je veux du local, je trouve ça logique. Ici il y a quelques pièces qui viennent d’Amérique Latine, mais la majorité sont faits par des artisans français. Attention, je ne suis pas une fervente défenseuse du “sustainable” à tout prix, je ne veux pas me targuer du fait que j’ai un magasin écolo. D’ailleurs, “sustainability”, je n’aime pas ce mot. Je préfère “sensibility”.
Pour moi c’est du bon sens : tout est plus simple quand c’est proche et local. Et je pense qu’on a perdu ça avec la mondialisation. Pourquoi vouloir acheter quelque chose en Chine alors que c’est fabriqué juste à côté ? En plus, les Français sont très intéressés par leur culture, alors pourquoi ne pas leur proposer du Made in France ?
On parle de plus en plus d’artisanat en France, non ? J’ai l’impression que c’est un peu revenu au devant de la scène.
Maria Lee : Je pense qu’on a toujours parlé de savoir-faire, que ce soit Hermès, Chanel, Louis-Vuitton : le mot savoir-faire est le mot le plus utilisé de la langue française ! En revanche je pense qu’aujourd’hui on s’intéresse davantage aux humains qui sont derrière. C’est ce que je veux me dire en tout cas.
Comment fais-tu pour que tout soit aussi beau ?
Maria Lee : Ce lieu est arrangé (“showcased”) comme une immense collection unique. Nous changeons la scénographie tout le temps parce qu’il n’y a que des pièces uniques. Quand l’une se vend, je change tout pour que ce soit de nouveau harmonieux. Je mélange toujours les pièces entre elles, c’est à dire que toutes les pièces d’un même artisan ne sont jamais rassemblées au même endroit, au contraire, je les dispatche un peu partout dans la galerie. Si je mettais tous les artisans ensemble, ça n’aurait pas d’intérêt ! Parce que cette pièce-là précisément met en valeur celle-ci, et pour celle-ci c’est pareil avec celle-la.
Par ailleurs, tout ce qu’on voit là, c’est le résultat de 12 ans de voyage en Europe et en Amérique Latine, c’est le fruit de 12 ans d’expérience. Donc c’est le temps, l'œil qui se forge, l’expérience qui fait que ce lieu ressemble à ça aujourd’hui.
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