Un émail de céramique 100% girondin, des plateaux floraux, mon retour d'expérience de rénovation.
Vers un “design situé” : faire avec ce qu’offre le territoire
Les plateaux floraux d’une marque turque
Retours de rénovation, épisode 1
À gauche, Esther Bapsalle
Vous êtes-vous déjà demandé de quoi était fait l’émail de vos tasses de café, de vos bols, de vos assiettes ? L’émail, c’est cette couche “glossy” qui protège et décore une céramique.
Pour lui donner une couleur ou une texture particulière, on ajoute toujours à la silice (le vitrifiant de base) des oxydes métalliques ou des colorants synthétiques. Une recette efficace, mais qui s’appuie souvent sur des composants issus de la pétrochimie.
C’est justement cette dépendance à la chimie industrielle qu’Esther Bapsalle, designer coloriste et céramiste, interroge.
Echantillon d'émaux dans le studio d'Esther Bapsalle à Langon
Sa quête a commencé il y a quelques années, lors de son diplôme à la Cambre. Elle s’est demandé comment faire de la couleur sans avoir recours à de la chimie lourde.
La réponse, elle la trouve dans le vivant : soit dans les plantes (je vous en avais parlé via l’artiste Dorothée Catry ici), soit dans les sols. Originaire de Bordeaux, familière du monde des vendanges, Esther se renseigne sur les déchets agricoles issus de la viticulture.
En parallèle à ses recherches, elle s’initie à la céramique : “Pour dessiner de meilleurs objets, j’avais besoin d’apprendre à fabriquer des choses.” Elle choisit la terre, “sans doute parce que c’est un matériau facile à mettre en œuvre, comparé au bois et au métal, moins accessibles.”
Après de nombreux tests, elle parvient à créer des émaux à partir de cendres de vignes.
Théière faite par Esther Bapsalle, émail cendre de vignes
Et c’est ce choix qui m'intéresse particulièrement dans son parcours. Car créer à partir de cendres, c’est la preuve ultime que l’on peut faire du beau à partir de rien. La cendre, cette poudre qui vient après combustion totale de la matière. La cendre, associée à la finitude, à l’idée de destruction, devient un champ des possibles, synonyme de renaissance. (On peut d’ailleurs fabriquer des émaux à partir de cendres de bois, de pépins de pomme, de coques de noix, rien ne se perd vraiment.)
Aujourd’hui installée près de Bordeaux, la tête chercheuse pousse la réflexion plus loin : “Qu’est-ce qu’on a sur le territoire déjà extrait, déjà prêt, pour fabriquer de l’émail, pour fabriquer des matières colorantes ?”
Elle rencontre alors Aurore Piette, “artisane de la mer”, qui travaille avec les sédiments de l’estuaire de la Gironde (=la vase). “Nous avons essayé de cuire son argile dans mon four à céramique. On voulait voir ce que ça allait donner, si ça allait fondre. Ça a fait un petit magma. On l’a ensuite mélangé avec de la cendre, et ça a fait un émail”.
FUSION, c’est le nom de leur émail 100% girondin, composé de cendres des déchets viticoles de l’Entre-Deux-Mers et de sédiments de dragage de l’estuaire de la Gironde : le processus de production d’émail est non seulement local, mais propre et durable, les déchets étant 100% biodégradables.
Pourquoi travailler avec la vase est-il pertinent ? Comme expliqué ici pour les magnifiques carreaux colorés de Gwilen, la vase, en grande quantité, est considérée comme un déchet : on la drague, on la rejette au large. Sur le bassin d’Arcachon, on parle de tonnes de matière extraite d’un milieu naturel fragile. L’utiliser pour créer, pour construire, c’est une manière de lui redonner de la valeur.
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