Patchwork, c’est une newsletter déco qui spotte les belles choses et
les bonnes idées. Deux fois par mois, je mets de côté découvertes,
adresses, objets, états d’esprit qui sortent des sentiers battus.
— Philippine Sander
~ 7 minutes de lecture
Porte-couteaux printaniers de la Romaine Editions
Qui utilise encore des porte-couteaux me direz-vous ? Nobod. Je les vois juste comme un prétexte pour rendre une table un peu plus amusante. Franchement, si vous n’esquissez pas un petit sourire quand vous voyez ce gang de porte-couteaux printaniers… (+ ils sont de parfaits icebreakers si vous ne savez pas quoi raconter à votre voisin de droite : “magnifique ce poireau !” “fait à la main en Ile-de-France ? Mais non !” “ça pousse comment les haricots plats ?”).
J’étais persuadée que le porte-couteau était réservé à des dîners très chics et formels. En fait, à l’époque, ils signifiaient surtout que vous n'aviez pas l’intention de changer les couverts entre les plats ni la nappe au prochain repas (ou que vous n’aviez pas l’argent pour acheter plusieurs services).
PS- Internet dit qu’il ne faut SURTOUT pas mettre le couteau dessus quand vous mettez la table. Le porte-couteau sert uniquement à poser le couteau pendant le diner.
Porte-couteaux La Romaine Editions, fabriqués à la main, en Ile-de-France, 9cm de longueur, 85€.
Tentes XXL de Natalia Sly et Pepi de Boissieu, au Portugal
J’ai découvert Natalia Sly via le studio de création Dora Daar qu’elle a créé avec sa très bonne amie Pepi de Boissieu. J’avais trouvé magnifique leur tapis rond “Oraculo” (photo ci-dessous), pensé pour les retrouvailles à l’ombre des arbres. Plus récemment, je suis restée scotchée devant les tentes estivales XXL qui leur servent de maison pour l’été.
Rencontre (téléphonique).
Tapis Oraculo, Dora Daar
Peux-tu me raconter comment vous avez eu l’idée de ces tentes ?
Natalia Sly : Quand le Covid est arrivé, on habitait à Lisbonne et on voulait s’entourer de plus de nature. On a trouvé un bout de terre que l’on a acheté à trois. Aucun de nous n’avait les sous pour acheter une maison, et surtout, on avait cette volonté de vraiment vivre proche de la terre. Et on ne voulait pas construire. C’est alors qu’un de mes amis de Séville (George Scott Rides, qui fait des “horse riding safari” en Espagne), m’a parlé de ses immenses tentes indiennes. On en a acheté deux et elles sont devenues nos “summer homes”.
On les installe en juillet et en août. C’est comme une vraie maison, mais en tissu ! On a nos lits, de l’eau, de l’électricité, une douche et des toilettes extérieurs. Quand tu rentres dedans, tu rentres dans une autre dimension. Vraiment. La lumière dans l’après-midi qui transperce le tissu blanc de la tente, c’est magnifique !
L’expérience est très puissante, même ton corps est différent quand il se réveille.
Tentes estivales
Pour les meubles, vous faites comment ?
Natalia Sly : On a un endroit à côté dans lequel on entrepose tout ce qui va dans les tentes l’été. On a chiné la plupart des meubles. Et on décore le tout avec de beaux tissus.
Tentes estivales
Et chez toi, à Lisbonne, ça ressemble à quoi ?
Natalia Sly : Chez moi, c’est tout blanc, avec des touches de couleurs vives. Donc c’est comme une boîte blanche avec de la couleur qui émane des tableaux, des tapis, des plantes, des fleurs, des bougies… Les couleurs me parlent et je leur réponds avec un sourire.
Aucune couleur aux murs ?
Natalia Sly : Non, car je me sens plus libre avec les objets. J’aime changer de couleur en fonction de ce que je ressens, donc une seule et même couleur me rendrait un peu claustrophobe. Je le vois, les couleurs ont des effets sur moi !
Natalia Sly, chez elle
Tu peins aussi des tableaux avec beaucoup de couleurs.
Natalia Sly : Oui, j’y pense depuis longtemps et je me suis enfin lancée. J’ai grandi dans une maison très joyeuse et colorée. Quand je peins, je ne réfléchis pas. Je travaille avec des formes très géométriques, c’est comme si les les lignes me rassuraient. Les couleurs viennent de manière très intuitive : quand je mets un bleu, je sais exactement quelle couleur je veux mettre à côté. L’exercice de simplement voir comment les couleurs dialoguent entre elles me fait du bien. Parfois, on me demande de changer la couleur d’un tableau, mais pour moi c’est impossible ! Ce n’est pas du tout étudié, c’est de l’expression pure, de la méditation, presque. Je ne serais jamais capable de refaire le même rouge ou le même orange.
Ça vient naturellement. Il faut faire attention à tout ce qui vient naturellement à vous, c’est là où vous êtes talentueux, c’est là ou vous serez bons !
Tableaux de Natalia Sly
J’ai l’impression que les bougies font vraiment partie de ta déco. Tu les allumes un peu tout le temps, même en pleine journée, ce qui est moins naturel pour moi. D’où ça vient ?
Natalia Sly : Mon grand-père venait de Grèce et j’y allais beaucoup petite. La-bas, dans les villages et les églises, il y a toujours une bougie allumée, à n’importe quelle heure de la journée. J’aime le côté sacré de l’objet.
Chez moi, j’en mets partout. Sur ma table de salle à manger qui me sert de bureau, dans mon salon… Je les allume dès le petit déjeuner. Quand le soleil se lève et qu’il fait encore un peu nuit, plutôt que d’allumer une lampe, j’allume une bougie. La lampe, c’est plus brutal, trop direct, trop “boom, lumière, plein phares !”.
Avec Dora Daar, on avait sorti un porte-bougie en collaboration avec la marque barcelonaise Après Ski (photo ci-dessous) que l’on avait appelé “Helios Selene” (the moon and the sun) pour rendre hommage au rythme naturel de la journée, à cette lumière si particulière de l’aube et du crépuscule. L’objet faisait aussi référence à la culture grecque. Les Grecs croyaient que la pleine lune leur portait chance et faisaient pour cela des offrandes à Artémis, la déesse de la lune : en allumant une bougie, ils formulaient leurs vœux en croyant qu'une fois soufflée, la fumée porterait le message dans l’au-delà.
Helios Selene, Dora Daar
Tu parles souvent de rituels, qu’est-ce que ça veut dire pour toi ?
Natalia Sly : Souvent, j’ai l’impression qu’on se dit qu’il faut faire beaucoup de choses et avoir une vie très intense pour ressentir des émotions. Mais parfois, je trouve que plus on en fait, plus on est dans l’attente de quelque chose, qui en fait, ne vient jamais. Moi, ce sont les petites choses qui me procurent le plus de plaisir. Allumer une bougie justement, m'allonger dans mon canapé, boire du thé, écouter de la musique, lire un livre. Avec mon fils, on joue souvent au jeu “let’s live like in the old days”. On n’utilise pas d'électricité pendant un jour et on s’amuse !
Qu’est-ce qui fait que tu te sens bien chez toi ?
Natalia Sly : À l’instant où je te parle, je suis assise sur mon canapé, et tout ce que je regarde a un sens pour moi. Chaque objet est là pour une raison, avec une intention. Si c’est juste décoratif, ça ne m’intéresse pas, ça ne m’intéresse plus. J’ai des meubles de famille, des choses faites par des amis artistes, des tissus anciens que j’ai ramenés de voyages, d’Afrique, d’Inde, d’Amérique du Sud, du Portugal.
Natalia Sly, chez elle à Lisbonne
Pour terminer cette interview, as-tu quelques adresses que tu recommandes les yeux fermés ?
À Lisbonne, j’adore la boutique O Depozito d’Avida Portuguesa (Rua Nova do Desterro, 21 1150-242 Lisboa)
Les luminaires Santa & Cole
Les bougies de Caza das Vellas Loreto (Rua do Loreto 53, 1200-241 Lisboa, Portugal)
Merci à Natalia Sly pour sa disponibilité !
Cette interview a été traduite de l’anglais.
Tapis, paniers, coussins en feutre, tous les objets MUSKHANE sont fabriqués à la main dans les ateliers de la vallée de Katmandou. Grands tapis entre 249€ et 589€.
Bureaux de Constance Guisset, © Constance Guisset
Dans cet épisode du podcast Le goût de M, la designer française parle de la façon dont elle a aménagé son espace, au cœur de ses bureaux. Je n’ai pas réussi à trouver de photo, alors imaginons-le grâce à l’extrait qui suit.
“Dans mon espace, il y a une grande bibliothèque blanche avec des lignes irisées et il y a un recoin tout noir, avec un cabinet de curiosité, beaucoup de petits objets, une banquette pour lire. Il y a aussi un mur où je colle toutes mes cartes postales, toutes mes petites choses. Je ne mets que des objets qui apportent la lumière, comme des dessins blancs sur fond noir. C’est un espace beaucoup plus foncé que le reste des bureaux. C’est comme un appel, un trou noir comme si ma pensée allait se poser, et que tout était ouvert. Je voulais faire quelque chose de très graphique et me sentir libre de penser. C’est comme un coin pour se reposer, hors de la lumière, hors de l’agitation et de l’espace commun très lumineux juste à côté. Je n’y suis pas souvent mais rien que l’existence de cette banquette et de cet endroit, rien que cet appel visuel me suffit à apaiser ma pensée.”
Voici trois autres extraits du podcast : il est (aussi) question de bougies, de son héroïne Fantomette et de délicatesse.
“Ma mère avait un intérêt pour l’éducation et ce qu’elle nous transmettait mais elle avait aussi des espaces de liberté. Elle dessinait des fresques, nous faisait nos robes à smocks, et des gâteaux incroyables. Elle avait une forme de fantaisie très grande, une capacité à la désobéissance qui était réelle. Elle a aussi écrit des livres pour enfants. Elle avait une vie extrêmement remplie par ses 7 enfants et en même temps, le matin, elle se levait très tôt pour écrire, préparer sa journée. Et surtout, elle avait son endroit à elle. J’ai le souvenir de son bureau, d’un endroit où, comme elle fumait, elle allumait une bougie pour enlever l’odeur de cigarette. J’ai compris assez tard l’intérêt des bougies. A chaque fois qu’on m’en offrait, je les lui offrait car ça ne rentrait pas dans mon univers, dans mon espace. Jusqu’à ce que j’ai eu moi-même un bureau à moi et que j’ai compris que le fait d’allumer la bougie signifiait une forme de présence solitaire, concentrée. J’ai compris ce sens de la solitude choisie”.
“Fantômette est une héroïne incroyable. Elle est bonne en classe, alors qu’être bon en classe c’est pas toujours bien vu. C’est une héroïne positive, qui s'intéresse à tout, elle cherche, elle lit, elle a sa bibliothèque, elle a un sujet, elle y va. C’est une fille qui a les cheveux courts, qui a une forme de liberté, qui est hors de tous ces sujets de séduction et en même temps qui a un charme incroyable. Elle existe de deux façons différentes, dans cette rigueur de la journée et la nuit, c’est quelqu’un de très courageux. Elle adore les outils, moi aussi ! Je suis incapable de dire si je me suis construite en pensant à Fantomette ou si j’ai trouvé dans Fantomette l’écho de mes propres aspirations. Un peu des deux.”
“Il y a une forme de violence dans certains objets du quotidien, dans les arêtes vives, dans ce que l'industrie nous oblige à faire, parce que c’est plus facile de sortir des planches que de sortir des choses adoucies. C’est plus facile de dessiner un carré, un cube ou un rectangle que de dessiner des courbes libres mais quand même tendues. On est entre une forme de rigueur et une liberté. La délicatesse qui consiste à marier la tension et la rondeur demande beaucoup de travail de courbes, ce que j’appelle des courbes libres. Je trouve que dans les choix qui sont parfois faits (“ça doit tenir” “ça doit être bien épais”, “ça doit performer”...), il n’y a pas toujours beaucoup de place à la délicatesse. On ne lui fait pas assez confiance, on l'interprète mal. On dit que c’est fragile et féminin, alors que c’est un sport de combat.”
Pour votre prochain voyage, repassage, séance de nettoyage, voici l’épisode.
Ma pêche du jour
Pour avoir une lumière agréable chez soi, on sait qu’il faut varier la nature des lampes dans une même pièce : lampadaires, lampes à pied, suspensions, appliques… et les disperser dans toute la pièce pour s’entourer de lumière. Mais India Mahdavi donne un conseil : comptez vos spots.
Une pièce de 30m2 = 7 points lumineux. 20m2 = 5, etc.Toujours un nombre impair. C’est loin d’être le cas chez moi, mais j’y travaille…
En attendant, voici 4 lampes que j’ai mises de côté, assez différentes les unes des autres :
1- La lampe pince Cornette de Tsé &Tsé en porcelaine, à installer sur une bibliothèque, une tête de lit, une table… fabriquée en petites séries, 190€
2- Lumière murale Draba de Pierre Dubourg pour Reine Mère. Fabriquée en France. 119€
3- La lampe portable d’Inga Sempé pour Hay, pour l’intérieur et l’extérieur, 205€
4- La lampe à poser Chrysalide de Céline Wright, fabriquée à la main dans son atelier à Montreuil, 246€
Et pour toutes les personnes qui aiment changer d’avis, la designer australienne Lana Launay a créé cette lampe avec laquelle on peut jouer, en choisissant les abats-jour et leur ordre en fonction de notre feeling.
RDV le 30 mai pour le 3e numéro de Patchwork !
Si vous avez aimé cette newsletter, n’hésitez pas à en parler autour de vous ou de transmettre ce lien : https://patchwork.kessel.media/posts
Cheers !
— Philippine